Cette revue, ouverte à des orientations et disciplines diverses, vise à faire connaître l'œuvre de Mérimée dans son extraordinaire pluralité culturelle.
Directrice de publication
- Antonia FONYI (CNRS/ITEM)
Secrétaire de rédaction
- Anne GEISLER (Université Evry-Val d'Essonne)
Comité éditorial
- Françoise BERCE (Direction du Patrimoine)
- Xavier BOUDENET (Université Rennes 2)
- Michel GARCIA (Université Sorbonne nouvelle-Paris III)
- François GEAL (Université Lumière-Lyon 2)
- Sylvie THOREL (Université de Lille)
Cahiers Mérimée, n°15, 2023
Michel Arrous, « Mérimée archéologue. Heurs et malheurs de la science des commencements »
Afin de comprendre la doctrine et la méthode de Mérimée archéologue, il faut le suivre dans ses tournées, lire ses publications savantes et tenir compte de sa participation à différentes institutions. Sans négliger l’archéologie classique, il privilégie le Moyen Âge, la Gaule romaine et, c’est moins attendu, l’archéologie qu’on disait « celtique ». Dans ces domaines, son activité n’aura rien d’un long fleuve tranquille.
Didier Philippot, « “Le poète caché en nous”. Djoûmane, rêve, mythe et poésie »
Confrontant le paradigme romantique de la symbolique des rêves avec le paradigme psychologique contemporain, on fait l’hypothèse que tout se joue, dans Djoûmane, autour de la question des rapports ambigus entre rêve et mythe. En terminant sa nouvelle par une pirouette ironique, suggérant que la fable n’est qu’un rêve, Mérimée procède-t-il à une démarche démystifiante ? Fait-il jouer le rêve contre le mythe ? Ou révèle-t-il au contraire leur parenté profonde, dévoilant ainsi « le poète caché en [lui] » ?
Daniel-Henri Pageaux, « Sur “l’humeur conteuse” chez Mérimée »
La « Notice sur Clara Gazul » où l’on trouve l’expression citée dans le titre de cet article est le point de départ d’une nouvelle approche de l’art de conter chez Mérimée. La « Notice » permet en effet d’intéressantes remarques sur l’utilisation par Mérimée de références au Don Quichotte ainsi que sur la figure et la fonction du narrateur, conteur et voyageur, lequel devient le fil conducteur dans l’identification de quelques principes de composition et d’écriture des Nouvelles.
Peter Cogman, « “En pays étranger on est obligé de tout voir”. Mérimée “témoin” d’une exécution (Lettres d’Espagne), topographie réelle et modèles possibles »
Mérimée a-t-il vraiment vu l’exécution décrite dans les Lettres d’Espagne ? La critique jusqu’ici a négligé la question de la vraisemblance topographique des divers points de vue avantageux adoptés par le narrateur, et un modèle possible : le supplice de Damiens décrite par Casanova, que Mérimée a peut-être connu dans une des nombreuses versions publiées à l’époque. Mais dans le contexte du récit de voyage romantique ces questions aident-elles à décider de l’authenticité du récit ?
Christine Rodriguez, « Mérimée, grande source d’inspiration pour l’opéra. La rencontre improbable »
Deux raisons font comprendre qu’un auteur aussi réservé que Mérimée, dont le théâtre ne fut pas joué et dont le rapport aux émotions était paradoxal ait tant marqué l’opéra du XIXe siècle : son exploration personnelle des genres – roman historique, théâtre, nouvelle – en résonance avec l’évolution de l’opéra, et sa forte charge émotive, même cachée sous l’ironie. Transposable dans ses fictions, leur structure et son écriture, c’est bien un art de l’excès qu’a reconnu chez lui le théâtre lyrique.
Cahiers Mérimée, n°14, 2022
Valérie Fasseur, « Ours à malices. Lokis ou le mystère des origines »
Lokis puise sa représentation de l’homme-ours à un fond folklorique médiéval bien plus large que ne le montre sa situation en Lituanie, véritable trompe-l’œil. Relue à la lumière de la construction complexe du récit, son intertextualité avec Froissart fait apparaître la nouvelle comme un montage qui, sous couvert d’une facétie à l’intention des dames de Compiègne, fait converger, par l’interrogation de Mérimée sur le mystère des origines, plusieurs des préoccupations récurrentes de l’auteur.
Sylvie Thorel, « Ourseries (Sand, Mérimée) »
L’association des noms de Sand et Mérimée rappelle un certain fiasco qui mériterait d’être relégué dans l’oubli si la lecture de Mauprat et de Lokis, où tous deux font varier La Belle et la Bête, ne révélait la gravité du malentendu. Sand réduit le désir en moralisant, tandis que Mérimée présente une version amorale de l’histoire. Exaltation du sentiment versus affirmation ironique du primat des instincts : un désaccord qui a trait à la délicate fortune de Rousseau chez les romantiques.
Xavier Bourdenet, « Militance libérale et anti-idéalisme mériméen. La chevalerie dans La Jaquerie »
La question de la chevalerie connaît un regain d’actualité dans les années 1820. Après avoir retracé les fractures idéologiques de cette mode qui éclairent les choix de Mérimée dans La Jaquerie (1828), on montre que celle-ci s’inscrit tout à la fois contre le genre troubadour et le sauvetage de la chevalerie par opposition à la féodalité. C’est un travail de sape, une caricature sur toutes les dimensions de l’idéal chevaleresque : généalogie, héroïsme, courtoisie, langage.
Anne Geisler-Szmulewicz, « Les réécritures de La Guzla »
Le souvenir de la mystification au cœur de l’écriture de La Guzla (1827), dont Mérimée fait la matière de son Avertissement de 1840 (Charpentier, 1842), est entretenu dans la presse, dans des notices de dictionnaires et d’anthologies, voire dans des ouvrages savants. Nombre d’auteurs et de jour- nalistes paraphrasent le texte de Mérimée, quitte à ajouter des éléments de leur cru, accentuent sa dimension comique et vont parfois jusqu’à faire servir leur propos à des développements idéologiques inattendus.
Antonia Fonyi, « Sous le signe d’Éros. Pour déchiffrer la pensée esthétique de Mérimée »
La pensée critique de Mérimée, telle qu’elle se révèle dans les domaines où elle s’exprime avec une clarté particulière, ceux de l’esthétique du peu et de la conception de la poésie, est fondée sur une exigence d’unité qui va à l’encontre des tendances dominantes du siècle. Sous un éclairage psychanalytique, cette exigence, mieux, ce désir atteste une forte prépondérance de la pulsion de vie dans la création de Mérimée.